vendredi, juillet 08, 2011

 

Interview de Gentleman au Festival Couleurs Urbaines!

Peux-tu nous dire pourquoi tu as choisi le nom de Gentleman?

Tu sais, si tu regardes la définition d’un Gentleman, c’est un homme d’honneur et je pense que c’est une bonne attitude. Ce n’est pas de la fierté… Si tu rencontres des gens et que tu leur montres que tu les respectes, alors tu es un gentleman.
En plus, comme mon vrai nom est Tillman, il était donc facile de faire le jeu de mots avec Gentleman (Gen Tillman)

As-tu trouvé ce surnom toi-même ou quelqu’un te l’a donné ?
C’est quelqu’un qui m’a donné ce surnom, c’était un rasta en Jamaïque mais ca fait tellement longtemps que je ne me rappelle plus qui…

Quand as tu compris que tu voulais être un chanteur ?
J’ai encore du mal à le réaliser, c’est comme une journée qui ne se termine pas. Je n’ai jamais projeté d’être un chanteur reggae, je kiffe la musique c’est tout. C’est toujours quand je suis aux cotés de musiciens que je réalise que c’est mon métier. Quand j’écoute et que je fais de la musique, je me sens si bien, c’est comme s’il existait une connexion avec mon moi intérieur. C’est ce que j’ai voulu faire mais je n’aurais jamais pensé que j’irais aussi loin…

Tu es parti en Jamaïque à 18 ans! Pourquoi as-tu choisi ce pays car à la base tu aimais tous les styles de musique ? Qu’as-tu découvert là bas ?
Tu sais, le reggae a joué un rôle important pour le choix du pays mais c’était aussi une combinaison de plein de choses. Pour mon 1er voyage hors Europe, j’étais dans l’optique de voyager car cela te permet de voir les choses de manière plus objective, de savoir qui tu es vraiment, de connaitre d’autres horizons. Le reggae est né en Jamaïque et c’était la musique que j’adorais, donc ce fut la raison pour laquelle j’ai choisi d’aller là bas. Un de mes potes y était déjà allé et m’avait ramené plein de sons comme du Shabba Ranks et Ninjaman parmi tant d’autres. J’ai ainsi redécouvert la musique reggae car je ne connaissais que les classiques comme Bob Marley, Peter Tosh ou encore Dennis Brown.

Peux-tu nous en dire plus sur ton voyage en Jamaïque ?
Ooohhhhhhhhh…. Je ne m’en souviens plus très bien, j’avais tellement fumé, j’avais 18 ans et je n’y suis resté que 6 semaines pourtant je me souviens que c’était formidable. La 1ère semaine, j’étais totalement perdu, je me demandais ce que je faisais là bas, je ne comprenais pas trop leur accent mais par la suite je me suis senti de plus en plus à l’aise. Ce fut une période vraiment enrichissante et je me sens maintenant connecté avec cette île depuis la 1ère fois quand je suis allé.

Et y as-tu rencontré des artistes ?
Oui et non… Tout le monde chante là bas ou a une relation avec la musique. C’est plus qu’un divertissement, c’est une philosophie. Tu vois, dans les pays européens ou aux Etats Unis, la musique reste un divertissement mais si tu vas en Afrique ou en Jamaïque, c’est tellement vital pour le peuple et j’ai pu en faire l’expérience…

Et tu es donc déjà allé en Afrique ?
Au Ghana, au Nigéria, en Gambie… nous sommes en train de travailler sur une tournée en Afrique pour 2012, on a juste besoin de définir des dates.

Et le public est vraiment différent de celui en Europe ou encore aux States, il y a plus d’engouement…
Dans certains pays, il peut arriver que le public soit très excité, à la limite de provoquer des situations dangereuses, tu es donc confronté à beaucoup de cohue, mais dans ces situations extrêmes, on y trouve toujours une certaine beauté... La musique est tellement une passion en Afrique…

Revenons à ton voyage. Quand tu es revenu en Allemagne, quels étaient tes sentiments ? Est ce que ce fut un déclic?
J’étais perdu quand je suis rentré de Jamaïque… c’est comme si j’étais tombé dans un trou… J’étais déprimé et je ne savais pas dans quelle direction aller, en fait je ressentais un vide. Mais au fil du temps, j’ai réalisé que chaque endroit a ses bons et ses mauvais côtés. Ca m’a vraiment ouvert l’esprit. Par exemple, plus jeune, je pensais qu’il y avait le blanc et le noir, mais maintenant je réalise qu’il y a aussi le gris, tout devient en fait plus complexe. Quelque temps après mon retour, j’ai réalisé que je voulais vraiment me lancer dans la musique, j’ai complètement été pris par l’esprit et la puissance du reggae. J’ai donc démarré dans les sound systems, qui n’étaient pas nombreux en Allemagne à cette période. En fait, on a tous commencé plus ou moins en même temps avec les groupes comme Silly Walks, Pow Pow, Concrete Jungle ou encore the Kingstone… Je chantais sur la face B des vinyles. Au début il n’y avait que les potes puis de plus en plus de monde sont venus. Ca s’est passé lentement mais sûrement.

Comment vois-tu l’évolution de tes albums ?
Tous les albums sont comme un document du temps, tu dois passer par différentes étapes, tu dois expérimenter les hauts et les bas, tu dois être capable d’accepter une certaine façon de penser, car ce n’est vraiment pas facile de réaliser un album, de se dire que « Maintenant, c’est bon ! ». Nous avons tous besoin de ça, tous les artistes ont besoin de ressentir ça !!! Avec « Diversity », j’étais comme connecté à mon moi intérieur, je me disais : « Il ya tellement de créativité, il y a tellement à dire, il y a tellement de bons musiciens et producteurs autour de moi !!! ».
Tu vois, la vie est faite de hauts et de bas. La musique est vraiment un formidable moyen de dire ce qu’on pense, de se lâcher. Tu la sens ou pas, la mauvaise musique n’existe pas en soi. Bien sûr, il y a la musique qui a une mauvaise influence sur des gens quand il s’agit des paroles car le pouvoir des mots est tellement fort que beaucoup de gens et d’artistes ont tendance à le sous-estimer. Ils ne savent pas ce qu’ils chantent, ne réalisent pas l’impact et l’influence que toutes ces pensées négatives, les « gun lyrics » peuvent avoir sur les jeunes. C’est pourquoi je m’assure que mes paroles vont vers une certaine direction et c’est ce que j’ai toujours essayé de faire.

Tu as fait beaucoup de featurings avec des artistes Jamaïcains et européens. Y a-t-il quelqu’un avec qui tu aimerais chanter ?
Il y en a tellement, la liste est si longue qu’on pourrait en parler jusqu’à demain. Je pense qu’il faut être connecté avec l’artiste avec qui tu veux chanter. Tous les artistes avec qui j’ai collaboré sont devenus des amis. J’aimerais tellement faire une chanson avec Burning Spear, Tracy Chapman ou encore Lauren Hill. Je suis vraiment ouvert à tout.

Tu as chanté avec Patrice sur ton dernier album, n’y avez tu jamais pensé avant ?
Nous sommes amis depuis longtemps, nous habitons la même ville et chaque fois que nous nous voyions, on se disait qu’on devait chanter ensemble et c’est finalement arrivé. L’ingé son de Patrice a d’ailleurs dit qu’“il était temps ! »

Pour beaucoup de fans, tu es un peu l’ambassadeur du reggae européen ! Comment vois-tu le développement de la scène européenne car de plus en plus de groupes émergent ?
Il y a une bonne base de producteurs, de sound systems et d’artistes en Europe mais ce dont nous avons le plus besoin, c’est le développement de l’artiste, et je vois que c’est ce qui se perd. Il y a de moins en moins de labels qui s’occupent de l’artiste, il recherche juste le titre qui va marcher, ils ne pensent pas au long terme. Ce côté-là est vraiment important, nous devons retrouver cet esprit où les gens croyaient en l’artiste et l’aidaient à se développer car si un artiste grandit surement et doucement, il ne peut malheureusement pas monter vite. Une bonne musique est au dessus de la chanson qui a marché, qui nous faire dire : « qu’est ce qui va venir après ? »… C’est bien plus que ça. Le but est de trouver un excellent moyen de manifester ce qu’on ressent. Je pense donc qu’il y a beaucoup de potentiel mais il doit être révélé.

As-tu donc déjà pensé à créer un label ou quelque chose dans le genre ?
En ce moment, je suis un artiste très actif et donc je n’ai pas beaucoup de temps.

Peut être dans le futur ?
Oui peut être, mais tu ne sais jamais ce que peut t’apporter le lendemain. Nous avons bien une boite de tourneurs mais je me demande comment le futur va être, s’il n’y a plus de labels ou encore de cds.
Je ne pense pas que les gens achètent encore des cds, je pense que le cd va disparaître d’ici 2 ans. Le vinyle va survivre car c’est quelque chose qui revient. Si tu pars au Japon, à Londres, en Californie, il y a encore plein de magasins de musique, il y a même des amoureux de la musique qui s’amusent à en re- presser. Vu que le cd ne va bientôt plus exister, il faut trouver une solution qui s’avère être une combinaison de beaucoup de choses. Les labels ont développé une technique qu’on appelle le « 360 records deals » (c'est-à-dire qu’un label jouent le rôle de maison de production, de tourneur, de responsable des ventes et tout autre revenue que pourrait toucher l’artiste, cette technique a été élaborée car les cds ne rapportaient plus rien).
Les gens n’ont plus de moralité, ils se disent qu’ils peuvent avoir un cd gratuitement. Cela détruit donc tout le business de la musique et donc cela détruit également le développement de l’artiste. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une structure saine où les gens reviennent vers une certaine moralité, où ils peuvent acheter de la musique car c’est vraiment difficile pour les jeunes artistes ou ceux qui démarrent. Même des grands artistes n’ont plus les moyens de se payer un groupe. C’est vraiment compliqué maintenant et c’est même frustrant de voir où on va…

Quelle pourrait être ta solution ?
Je pense vraiment que les gens doivent revenir vers une certaine moralité. Je ne dis pas que les gens doivent absolument dépenser de l’argent pour la musique, mais il faut rétablir certaines valeurs. Les artistes passent tellement de temps, mettent vraiment tout leur amour et leur passion dans leurs projets que cela doit être honoré. Si les gens recommencent à le reconnaitre, la qualité va revenir par elle-même. Si tu écoutes certaines productions aujourd’hui, ils ne peuvent pas se mettre à fond car ils n’ont pas assez d’argent. Par exemple, tu mentionnais la qualité de l’album « Journey to Jah », c’était vraiment une très belle époque, tout était analogique, tu allais dans le grand studio où tu jouais avec des supers bons musiciens. De nos jours, tout est numérique, digital, tu vois ce que je veux dire. Je ne suis pas nostalgique au point de me dire que « c’était vraiment bien à l’époque » et que « tout est merdique maintenant », nous avons de la chance mais nous devons revenir à cette moralité, on a besoin de soutenir une cause qui est la musique.

Que penses-tu du Festival Couleurs Urbaines ? L’endroit ? Car tu es venu l’année dernière et même si tu n’as pas joué, les organisateurs ont passé un excellent moment avec toi et ton équipe ?
La dernière fois qu’on est venu, nous avons du annuler le concert car il y avait trop de vent. C’était en même temps un mauvais et un bon moment car à cause de l’annulation, on s’est éclaté, on a fait du break dance, chanté, dansé et ce fut une mémorable expérience. (Il regarde dehors) Je suis en train de voir les arbres et il ne devrait pas y avoir de problèmes ce soir, le concert va bien se passer et on est vraiment content de revenir.

Dernière question : comment vas ton pied ? (il s’est blessé il y a quelques mois et a du annuler quelques concerts)
C’est bon, tout va bien maintenant, je porte une protection mais ca ne va pas m’empêcher de faire un bon concert.

Merci.

Interview réalisée par Karement Roots au Festival Couleurs Urbaines à La Seyne le 3 Juin 2011.

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